Eduscol a publié deux guides pour la maternelle cette année ; je vais essayer de résumer les éléments qui m'ont semblés les plus intéressants parmi les 64 pages de ce premier guide :
Tout d'abord, il n'est pas inutile de rappeler quelques définitions :
- une syllabe, c'est une unité de la langue qui se prononce en une seule émission de voix
- un phonème, c'est la plus petite unité sonore du langage oral
- un graphème, c'est une lettre ou un groupe de lettres qui transcrit un phonème
- le principe alphabétique, c'est le système selon lequel les mots écrits sont composés de lettres qui marquent les phonèmes
- la conscience phonologique, c'est la capacité à percevoir, à découper, à manipuler les unités sonores d'un mot
- la littératie, c'est l'ensemble des compétences et comportements liés à la lecture / l'écriture. On distingue les connaissances procédurales (connaitre le nom des lettres, décoder des syllabes) et les connaissances conceptuelles (comprendre les fonctions sociales de l'acte de lire / écrire, se percevoir comme lecteur / non lecteur)
Le schéma présentant les cinq piliers de la lecture est assez synthétique, et montre les cinq domaines qui doivent être travaillés :
Première partie : développer les habiletés phonologiques
Le but est d'aller de la conscience phonologique vers la conscience phonémique.
A 3 ans, les enfants sont capables :
- de différencier des mots
- de reconnaitre deux mots qui se ressemblent car ils riment
- de segmenter un mot oral en syllabes
(je suis surprise par ces affirmations...)
Ces capacités reposent sur une sensibilité phonologique et une conscience syllabique. La conscience phonémique relève d'un apprentissage systématique.
Au début du développement de la conscience phonémique, les voyelles et les consonnes constrictives sont à privilégier car elles sont plus facilement perceptibles et prolongeables.
Les capacités précoces d'analyse phonémique permettent de pronostiquer le futur niveau de lecture des enfants (p14)
Des études concluent que :
- la conscience phonémique doit être entrainée dès la maternelle
- les entrainements doivent être explicites, intensifs, effectués en petits groupes homogènes, plusieurs fois par semaine (sur une durée de 20 minutes)
- les entrainements sont plus efficaces quand ils portent sur le lien oral / écrit (et pas uniquement sur de l'oral ou avec le support d'images)
- s'ils sont multi-sensoriels avec des tâches orales, visuelles et kinesthésiques, ils sont particulièrement efficaces pour les élèves les plus fragiles.
Comment organiser cet enseignement ?
On apprend en jouant, en réfléchissant, en s'exerçant, en se remémorant et en mémorisant.
La voix et l'écoute sont au service du développement de la conscience phonologique :
Les jeux d'écoute permettent de travailler la concentration et la mémoire auditive.
Les comptines et formulettes permettent de jouer avec les sonorités de la langue et développer des habiletés phonologiques
Les jeux vocaux permettent de faire le lien entre les sons entendus et les sons produits.
Les sons des autres langues permettent de mettre en regard les sonorités des différentes langues, affinent la perception des sons de notre langue, et développent une écoute attentive.
Quelle progressivité envisager ?
Les élèves doivent prendre conscience des mots, des syllabes et des phonèmes.
Le mot : dans sa dimension orale, c'est une suite de phonèmes qui forment des syllabes qui permettent d'accéder au sens du mot. Le mot relie le signifiant au signifié. Dans sa dimension graphique, un mot est séparé d'un autre mot par un espace.
Des exemples d'activités sont proposés à la page 21 du guide :
- vivre une comptine (frotte, saute, ...)
- compléter une phrase par le bon mot
- substituer un bruit ou un geste à un mot (j'ai corrigé la structure grammaticale incorrecte dans le guide)
- repérer un mot dans une suite à l'oral
- changer le mot d'une phrase
- compter les mots
- pointer les mots du doigt (sur un support)
- pratiquer la dictée à l'adulte
...
La syllabe : une progression est proposée sur les pages 23 et 24 du guide.
Lorsque l'élève comprend les procédures effectuées avec la syllabe, il peut les remobiliser lors du travail sur les phonèmes.
Le phonème : la surcharge d'assonances ou d'allitérations aident à faire entendre qu'il y a des unités sonores plus petites que les syllabes.
Des exemples d'activités sont proposés sur les pages 26 et 27 du guide.
Je retiens surtout l'idée du jeu de loto où on dit un phonème (par exemple [s]), et où l'élève doit placer un jeton sur la case d'une image qui contient ce phonème (par exemple, la tasse).
Quelques points d'attention :
- Il est important d'utiliser un lexique précis et adapté (mot, lettre, syllabe, rime, son)
- Il faut privilégier les mots mono-syllabiques pour faciliter la prise de conscience des phonèmes
- Il faut harmoniser la symbolisation des mots, syllabes et phonèmes, de la maternelle au CP.
Les résultats des évaluations nationales de CP sont à analyser en conseil de cycle pour identifier des actions pédagogiques prioritaires.
Deuxième partie : de l'oral à l'écrit ; vers la découverte du principe alphabétique
Pourquoi est-il si important d'apprendre les lettres ?
J'avoue n'avoir rien compris à la conclusion d'une étude citée page 37 du guide :
«Dans une étude réalisée auprès d’enfants de moyenne section, deux groupes sont constitués, l’un connaisseur des lettres (C) et un autre non connaisseur (nC). Après un renforcement sur 5 semaines du groupe C sur 4 lettres cibles L, P, S, T pour les nommer et les écrire en lettres d’imprimerie, deux tâches sont proposées, l’une de production orthographique et une autre portant sur les habiletés phonologiques. Le groupe C obtient des performances supérieures au groupe nC dans une tâche de production orthographique où il s’agissait de produire un pseudo-mot (écrire téva) et dans une tâche d’extraction syllabique dans un mot. Les auteurs concluent que les activités stimulant la connaissance du nom des lettres ont permis aux jeunes enfants du groupe C d’établir les premiers liens entre l’oral et l’écrit, ces activités ayant stimulé en même temps leurs habiletés phonologiques. »
Ceux qui connaissaient déjà les lettres ont eu un renforcement dans ce domaine pendant 5 semaines, et ensuite ils sont plus forts que les autres pour écrire un pseudo-mot et pour extraire une syllabe dans un mot ??!
Y avait-il vraiment besoin d'une étude pour arriver à cette conclusion ??!
Concernant la connaissance du son des lettres, le guide précise que l'objectif de la maternelle n'est pas d'enseigner systématiquement le principe alphabétique, mais que les élèves doivent connaitre au moins le son des voyelles en fin de maternelle.
Concernant la connaissance de la forme graphique des lettres : cette capacité repose sur des composantes visuelle et motrice. La composante visuelle suppose d'être capable de distinguer les lettres des autres signes / chiffres. La composante motrice suppose de savoir les tracer (ce qui permet de mieux mémoriser, contrairement à l'écriture sur clavier). Le toucher peut aussi aider à mieux connaitre les lettres (grâce à la mémoire kinesthésique)
Comment mettre en oeuvre cet enseignement ?
La reconnaissance de toutes les lettres et de leurs correspondances dans les trois graphies est une compétence attendue des élèves à la fin de l'école maternelle.
Le travail en petit groupe est privilégié.
Il faut expliciter les finalités de l'apprentissage.
Les supports : la comptine, l'alphabet, l'abécédaire, l'apprentissage du tracé, le clavier (en binôme : l'un dicte, l'autre écrit)
Régulièrement en Grande Section, les élèves s'exercent à des transcriptions de mots puis de phrases.
Il faut choisir un corpus de mots avec des graphèmes simples et des régularités.
Il faut faire attention au sens du tracé, à la tenue du crayon, à la posture de l'élève (un gaucher doit être placé à gauche d'un droitier)
On peut installer un espace dédié à l'écriture (avec une piste graphique, des lettres d'imprimerie, des feuilles blanches ou avec des lignes, un ordinateur, un tableau de correspondance des graphies, des textes connus)
Les affichages doivent être à une hauteur de 1 mètre. Les lettres de l'alphabet peuvent être illustrées (dans ce cas les référents sont proposés par les élèves).
Je vous laisserai le plaisir de chercher la grosse faute d'orthographe p47 du guide...
Pourquoi et comment faire écrire l'élève en maternelle ?
Je n'ai rien découvert de nouveau dans cette partie (pages 51 à 55). J'ai juste retenu l'idée du transport-copie dans les classes de MS et GS (avec un modèle à distance), et j'ai noté que la dictée à l'adulte devait être une pratique quasi-quotidienne, en tout petit groupe, dans les classes de PS, MS et GS.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire