Le livret "Pour enseigner la lecture et l'écriture au CP"


Je viens de passer plusieurs heures à le lire, et je ne l'ai pas trouvé inintéressant, malgré le ton péremptoire utilisé (peut-on vraiment terminer la publication par "l'école de la confiance" ?)

Bref...

Comme j'ai tout lu, je propose de vous faire profiter des points qui m'ont interpellés :

  • Savoir lire, c'est : identifier les mots, et comprendre
"La fluidité de la lecture orale est un prédicteur direct de la bonne compréhension en lecture" (p8) Autrement dit, les élèves qui n'ont pas une lecture suffisamment fluide, auront forcément du mal à comprendre ce qu'ils lisent
  •  Savoir écrire, c'est maitriser : le codage phonèmes/graphèmes, l'orthographe (lexicale et grammaticale) et la structure des phrases, le geste graphique, et la rédaction d'un texte.

Ce qui est recommandé pour l'apprentissage de la lecture : 

  • un départ du graphème (et non du phonème)
  • l'étude de 14 ou 15 graphèmes les dix premières semaines
  • un schéma consonne/voyelle simple privilégié (les schémas voyelle/consonne, consonne/voyelle/consonne et consonne/consonne/voyelle viendront plus tard)
  • une lecture à haute voix régulière (50% des élèves de CP n'y consacrent que 25 minutes par semaine)
  • un enseignement de la ponctuation (ces signes qui n'ont pas de correspondant phonémique) explicite et rigoureux. Au début de l'apprentissage, deux lectures sont souvent nécessaires : la première pour déchiffrer et saisir la structuration de la phrase, et la deuxième pour lire de manière expressive 
  • un rapport étroit entre lecture et écriture
"Un manuel qui ne donne à lire que des textes entièrement déchiffrables prend au sérieux le fait que lire, c'est chercher du sens aux textes lus de façon autonome" (p43)


Un constat : 
A la fin du CP, lorsqu'on dicte la phrase "Les lapins courent vite.", 75% des élèves ne mettent aucune marque du pluriel, 24% mettent certaines marques, correctes ou incorrectes, et seulement 1% écrit la phrase correspondante, en marquant tous les accords.

Personnellement, cela ne me choque pas... Pour moi il s'agit plutôt d'une compétence de fin de CE1... Mais comme les programmes actuels ne donnent plus de répartition par année du cycle, chaque équipe peut en penser ce qu'elle veut.


Au sujet de la compréhension :
"Les faibles lecteurs sont ceux qui [...] repèrent moins souvent les endroits du texte qui leur font problème tels que les mots inconnus, la complexité de la syntaxe ou de certaines tournures d'écriture." (p45)

Je pense que c'est très vrai : non seulement ils ne comprennent pas, mais en plus ils sont incapables de repérer ce qu'ils n'ont pas compris !


Au sujet de l'apprentissage du geste graphique : 
"Les élèves sont invités à reproduire le tracé sur un support imaginaire dans un premier temps, puis à faire le geste sur leur table dans un second temps" (p62)

Et qu'en est-il de la position du poignet ? Comment apprendre ensuite aux élèves à placer correctement leur main et leur bras pour écrire sur leur cahier ? Je serais curieuse de connaitre la position de Danièle Dumont sur ce sujet !


Au sujet de la mémorisation de l'orthographe : 
Deux activités sont préconisées : la copie (avec méthode), et la dictée de mots et de phrases lues. Pour cette dernière activité, il s'agit d'observer d'abord lettres muettes, les accords en genre et en nombre, les préfixes, les suffixes, les terminaisons des verbes, etc., avant d'effectuer la dictée.


Au sujet de la production d'écrit : 
"Le maitre soulignera les erreurs. L'élève corrigera tout ce qu'il peut corriger. Ce qui ne peut pas être orthographié par manque de connaissance sera recopié à partir d'un modèle."

J'adhère complètement. C'est juste que cela demande beaucoup de temps !


Au sujet de la grammaire : 
"Les chercheurs considèrent que le système d'apprentissage de la lecture est un système interactif composé de trois pôles : phonologie, sémantique et orthographe.

Il faut commencer par attirer la vigilance, à l'oral, sur les changements qui s'entendent. Ensuite, à l'écrit, on observe les lettres qui ne s'entendent pas mais marquent des variations spécifiques en genre et en nombre.

L'apprentissage se fait sous forme d'observation et de manipulation des énoncés et des formes, de classement et de transformation.

Toutes les lettres d'un mot codent soit le son, soit le sens.

"L'application des règles de correspondances graphèmes / phonèmes ne permet d'orthographier correctement que la moitié des mots." (p84-85)

Des exemples d'activités pour attirer l'attention des élèves sur les lettres donnant des informations grammaticales :
- les devinettes orthographiques
- la copie différée
- le repérage ritualisé des lettres qu'on n'entend pas

Il faut enseigner la morphologie dérivationnelle (le mode de formation de mots nouveaux à partir de mots existants, comme "chaton" ou "chatière" à partir de "chat") et la morphologie flexionnelle (l'accord en nombre et en genre des noms, des adjectifs, des verbes, ainsi que les marques des temps et modes de conjugaison.)

A propos du vocabulaire :
"L'enseignement du vocabulaire ne doit pas être mené de manière aléatoire, au détour de textes rencontrés." (p88) La progression doit être réfléchie et la programmation organisée.

Les différents principes didactiques liés à cet enseignement :
- il faut travailler prioritairement les mots fréquents, polysémiques (sens propre et sens figuré)
- il faut travailler les mots des différentes disciplines (vocabulaire spécifique)
- il faut choisir des noms, des verbes, des adjectifs, des mots grammaticaux
- il faut travailler les mots dans une phrase
- il faut construire des outils variés, explicites, organisés, raisonnés

"Au terme du CP, l'élève doit être capable de commencer à catégoriser les mots selon différents critères : champs lexicaux, réseaux sémantiques, synonymes, antonymes, mots de la même famille."
 (p90)

Les synonymes et antonymes sont à travailler en contexte. Pour travailler sur les synonymes, on peut par exemple faire remplacer un mot du texte par un synonyme. Pour travailler sur les antonymes, on peut faire des "joutes verbales", réaliser un album des contraires, fabriquer un jeu de loto des contraires, etc...

Au CP, il faut d'abord faire identifier les familles de mots, oralement et visuellement, puis faire construire les familles de mots à partir de radicaux. Il est souhaitable de travailler une famille de mots par semaine, avec une réutilisation en contexte à l'oral et à l'écrit.


Au sujet de la compréhension : 
"Le rappel du récit s'accompagne souvent d'une représentation de l'histoire sous la forme d'une carte de récit ou d'un plan de récit." (p98-99)

Je ne connaissais pas du tout ces types de représentation, je me suis renseignée, et j'aime beaucoup l'idée : cela peut à la fois aider au rappel du récit, et laisser une trace écrite personnelle de la lecture. Voilà une proposition dont je vais m'emparer dès l'année prochaine !

"Un journal de lecteur est aussi un moyen de garder une trace de textes lus et entendus." (p100)



Je passe sur l'importance d'utiliser un manuel de lecture, outil symboliquement fort, et sans lequel l'élève se retrouve confronté à une série de fiches photocopiées en noir et blanc, pas forcément bien choisies, et plus ou moins bien rangées dans des porte-vues... 

Ces pages m'ont fait remettre en question tout le travail réalisé durant mon année : je ne proposerais donc que des fiches non adaptées ? Je priverais mes élèves de ce repère fort et essentiel qu'est le manuel de lecture ? 

Et puis... je me suis rappelée pourquoi je m'étais lancée dans cette méthode. Je me suis rappelée les raisons de mes choix de progressions, dans l'étude du code, dans le travail de compréhension, dans l'apprentissage de l'écriture cursive. Je n'ai rien fait au hasard. Et je crois que travailler avec une méthode qui nous convient est aussi important que la méthode elle-même. 

Cela ne m'a pas empêché de réfléchir à une remarque en particulier : les photocopies en noir et blanc, c'est vrai que ce n'est pas agréable. L'année prochaine, je pense faire des photocopies en couleur, et conserver mes exemplaires plusieurs années, pour plusieurs cohortes d'élèves. Je pense également acheter quelques séries d'albums pour le troisième trimestre, pour lire dans de vrais livres, quand mes élèves en seront capables. 

Je reviens à mon propos : autant le manuel de lecture est primordial, selon le Ministère, autant

"l'utilisation du livre d'activités n'est pas recommandée. L'usage du cahier du jour est plus efficace." (p107)

On croit qu'il suffit de suivre un manuel de lecture bien choisi, et les fichiers correspondants : et bien non ! Ce serait trop simple !

Je comprends qu'il vaut mieux écrire dans le cahier du jour plutôt que de "remplir des trous" dans un fichier, mais... en tout début d'année de CP, les possibilités d'exercices dans le cahier du jour sont encore bien limitées !


Concernant l'évaluation : 

Elle concerne plusieurs aspects de la lecture : le code (les habiletés phonologiques, le son des lettres, la lecture des mots les plus fréquents, la lecture de mots-outils et de pseudo-mots), la compréhension orale (sur un court texte) et écrite, avec la recherche d'informations explicites et implicites, et la fluence.


A propos des difficultés d'apprentissage de la lecture :

Il existe différentes causes de l'échec en lecture (p119) :
- un environnement social défavorable
- un facteur linguistique (cas d'un élève allophone)
- un déficit cognitif (cas d'un retard intellectuel)
- un déficit sensoriel (cas de la surdité ou la cécité)
- un trouble du langage oral (cas d'un élève dysphasique)
- un trouble neurobiologique (par exemple la dyslexie, qui est un trouble de l'identification des mots, et qui concerne 5% d'une classe d'âge)

On distingue les dyslexies phonologiques et les dyslexies visuelles. Le diagnostic ne peut être posé qu'à partir du CE2.

"Les interventions les plus efficaces pour les enfants en difficulté d'apprentissage portent sur un entrainement de la conscience phonologique et un enseignement systématique des relations graphèmes / phonèmes" (p120), et cela dès le début de l'apprentissage, et de façon intensive.

On peut classer les élèves en différents groupes, suivant qu'ils ont des difficultés pour identifier des mots, pour comprendre ce qu'ils lisent, ou bien les deux à la fois.

Pour les faibles identifieurs, l'entrainement doit porter sur la phonologie, l'orthographe et la sémantique.

Pour les faibles compreneurs, l'entrainement doit porter sur le traitement syntaxique (à partir de phrases simples d'abord, puis de plus en plus complexes), le traitement littéral et le traitement inférentiel.

Il existe des aides informatisées pour les élèves en difficulté, notamment Chassymo (coût de 99€) pour le traitement grapho-syllabique et Locotex (coût de 115€) pour travailler les processus litéral et inférentiels. On recommande d'utiliser ce dernier pendant une période de 5 semaines, quatre jours par semaine, à raison de 30 minutes par jour, ce qui correspond à une durée totale de 10h.


Je trouve ces pistes assez limitées : ce n'est pas encore ici qu'on trouvera des solutions-miracles...

Au final, en dehors de ce sacro-saint manuel de lecture que je n'ai pas (ce n'est pas que je n'en veux pas, c'est que je n'en vois aucun qui me convienne parfaitement !), je pense suivre déjà l'essentiel de ce que j'ai pu lire. Pas de grande nouveauté donc, mais j'en retiens quelques idées :
- je vais rendre mes outils plus attrayants en imprimant mes fiches en couleur et en faisant lire dans de vrais albums
- je vais introduire les cartes de récit et le journal de lecteur, que je ne connaissais pas
- je vais formaliser davantage mon travail en grammaire et en vocabulaire, car si je pense travailler un certain nombre de points de manière informelle, tout cela n'est pas forcément assez structuré.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Merci pour cette synthèse, pas encore eu le temps (le courage????) de lire ce livre orange bien que je me sois beaucoup documenté tout l'été sur l'apprentissage de la lecture. Pas de livre non plus, je fais mes fiches et ils mettent de la couleur.Ca permet aussi de mettre des photos des élèves, de la classe .... toutes ces fiches sont méthodiquement collées dans un cahier de lecture qui peut je pense être également "symboliquement fort"... On lit aussi des livres à partir de février, j'emprunte des séries au cddp par exemple.
    Pour l'apprentissage du graphème vers le phonème et non l'inverse, je n'ai rien vu qui allait dans ce sens ni dans l'autre et je vais perso du phonème vers le graphème puis du graphème vers le phonème quand tous les sons ont été étudiés. Ton article a malgré tout aiguisé ma curiosité et je crois que je vais me lancer mais ce sera une lecture en diagonale je pense, marre du blabla !!! Merci !

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  2. Merci pour ton commentaire ! Pour ma part, j'ai testé les deux approches (phonémique et graphémique), et mes observations sont assez nettes : dans l'approche par les phonèmes, il arrivait toujours un moment où je présentais différentes graphies d'un même phonème, et où c'était difficile pour les élèves de tout retenir, et de savoir quelle graphie utiliser ; alors qu'en travaillant d'abord les graphèmes principaux, et en abordant les autres graphèmes plus tard dans l'année, mes élèves les mémorisaient bien plus facilement.

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